27/11/2008

UN AUTRE BRESIL - OCTOBRE 2008 - Sao Luiz

Fenêtres à l’infini,
Poème à l'ami qui passe, s'éloigne et revient
Il y a les fenêtres griffées de barreaux qui se cognent au mur,
Il y a les fenêtres qui se lézardent sous le poids du temps,
Il y a les fenêtres qui donnent sur la cour,
Il y a les fenêtres qui observent la rue,
Il y a les fenêtres qui font semblant et trompent l’œil,
Il y a les fenêtres où se balance le linge à repasser,
Il y a les fenêtres de papier que les enfants entrouvrent, prémisses de Noël,
Il y a les fenêtres que le vent force avec fracas,
Il y a les fenêtres où s’engouffre le bruit des vagues,
Il y a les fenêtres immobiles sous l’invasion végétale,
Il y a les fenêtres qui se ferment sur un adieu,
Il y a les fenêtres pour voir sans être vu, étrange féérie d'un Palais des Vents,
Il y a les fenêtres vers qui s’élève un chant pour une femme aimée,
Il y a les fenêtres qui laissent entrer le soir le parfum des roses,
Il y a les fenêtres qui sont une promesse de liberté,
Mais celles que je préfère entre toutes sont les fenêtres qui invitent aux voyages, par delà lesquelles le regard se perd de l'autre côté de l'horizon. M.Ch

La fontaine de Sao Luiz. Il fut un temps où les esclaves, malgré l'abolition de l'esclavage, étaient acheminés du choeur de l'église par une porte dérobée jusqu'à cette fontaine. Quelle arrogance de l’homme blanc. Comme Prévert l’écrivait « Notre Père qui êtes aux cieux… restez-y !"


Derrière les volutes de la balustrade se cachait l’ancienne école de musique. Mais les murs ne résonnaient plus des voix des instruments. Les mains ne battaient plus la mesure, les diapasons s’étaient tus. Maîtres et élèves ne franchissaient plus le portail de cette belle maison coloniale. Mais la musique veillait, ne l’avait pas désertée, j’en suis certaine !

L'air était doux ce soir de Sao Luiz. Sur la place nous avons dîné. Mais les plats se faisaient attendre, pourtant sans aucune impatience de notre part. Le spectacle des petits vendeurs, des artistes, nous a occupés, nous a enchantés. Un homme couvert de tatouages et de piercings s'est approché, a tordu du fil de fer pour en faire des bagues qu'il glissa à nos doigts.

Des fenêtres grandes ouvertes, la musique sortait à flot, d’anciennes chansons, puis un piano jazzy prit le relais. J’ai quitté la table un moment pour aller à la rencontre des musiciens. Je suis revenue un peu déçue, c’était une femme qui jouait sur un clavier, elle avait un air triste et désabusé. La musique n’était pour elle sans doute qu’un moyen de gagner sa vie.

Accroché au balcon de fer forgé d’une maison de la rue Portugal, un grand calicot indiquait « Scola de Capoera – Bandinaneiros do …. » je n’ai pas pu lire le nom complet. Mais je savais qu’ici, au premier étage, cette danse-combat y réunissait ses adeptes fidèles.

« Rue Portugal », le nom était écrit sur une plaque émaillée de carreaux blancs. Les lettres étaient enluminées de bleu. L’ombre et la lumière glissaient sur les pavés, sur les murs des maisons, éternel combat singulier qui chaque soir se répète. Un instant le soleil s’immobilisa et fit étinceler une façade, son dernier cadeau avant de disparaître.

La ville allait bientôt s’endormir dans la douceur du soir. Le regard s’étonnait de la lumière, des azulejos qui recouvraient les façades, des balcons ouvragés et des fenêtres dont certains carreaux manquaient. Filtraient dans ceux qui n’avaient pas encore été brisés, l’image « des voisins d’en face ».

Plus personne n’habitait ces maisons aux fenêtres aveugles. Elles avaient été murées. Les réverbères n’éclaireraient plus que la mémoire de ceux qui les avaient habitées. Quels revers de fortune les avaient poussé à abandonner les murs qui les avaient vu naître ? Le temps avait fait son œuvre.

Au bord de la plage, un ballon annonçait fièrement « Venha Mirar O Mundo - 2° Feira do Livro do Sao Luiz ». Le vent soufflait fort sur les palmiers qui bordait le bord de mer, mais il était solidement maintenu, il ne larguerait pas ses amarres, tant que durerait l’événement qu’il annonçait.

21/11/2008

UN AUTRE BRESIL - OCTOBRE 2008

A Atins, notre combi à ridelles nous attendait en haut de la dune. Il nous déposerait tout près du lagon, le temps d'un bain avant que le soleil ne disparaisse. Nous avions rendez-vous à Punta da Brasilia où, dans le ciel, s'envoleraient le soir venu des colonies de guaras, des ibis rouges.
Avant de quitter Mandacaru et reprendre notre route vers Caburé, ce fut une bien jolie rencontre. Le petit garçon avait accepté de chanter pour nous. En récompense il reçut des mains de l'un d'entre nous un petit paquet de friandises.

Sur le chemin de Caburé un petit village de pêcheurs. Il s’appelait Mandacuru, il était protégé par des palmiers qui tous ployaient sous la complainte du vent. Son phare, face au littoral, s’élançait vers le ciel, fidèle gardien des embarcations qui s’en approchaient. Tout en haut, la vue était superbe, à ses pieds la plage, où une petite barque était échouée sur le sable humide.

Nous poursuivions notre chemin au rythme lent du Rio Preguiças (paresseux en portugais) à bord de notre canot à moteur. La pluie nous avait rejoints, ce qui ne nous empêcha pas d’accoster pour une promenade dans les dunes. Les premiers "habitants" venus à notre rencontre furent ces petits singes. Ils montrèrent tout d’abord une certaine méfiance avant de descendre de leur habitat de bambous. Un petit gâteau sec et celui-ci oublia toute retenue par péché de gourmandise.

Au rythme lent du nord est nous avancions vers Tutoïa, nous étions au bout du monde. Un seul palmier barrait l’horizon et son ombre s’allongeait sur le sable. Timide trajectoire d’un gringalet qui avait décidé de survivre au milieu de rien, posé là sur le sable vif, dans une solitude consentie. Un vent s’était levé, avait gagné en intensité et empêchait toute conversation.
Lorsque nous avons quitté le petit port d’Alcantara, deux pêcheurs avançaient en bordure de mer. Ils remontaient avec leur barque et leur filet maintenu par deux piquets de bois. Glissait sur un friselis de vagues ce filet qui contenait tous leurs espoirs d’une bonne pêche. Nous les avons salué d’un geste un grand sourire aux lèvres.

Les vestiges de la vieille église, dont il ne restait qu’un clocher noirci par la mousse et l'humidité et des murs percés de fenêtres sans vitraux, yeux vides ouverts sur un ciel immense, semblaient ruminer l’absence de ceux qui ne s’y pressaient plus. Le temps avait passé et les vieilles pierres avaient renoncé à les voir revenir, à entendre leurs chants et leurs chuchotements. Alors, il ne leur restait plus qu’à confier au vent, insouciant à la mémoire des pierres, combien la vieille église avait été, chaque jour, chaque dimanche, un havre de paix et de fraîcheur pour les fidèles d’Alcantara.

08/11/2008

UN AUTRE BRESIL - OCTOBRE 2008

Une rencontre avec un perroquet pas farouche qui avait entrepris de se percher sur mon bras. La couleur du tee-shirt lui avait plu sans aucun doute ! Il ne semblait pas vouloir en descendre. Pour récompense il goûta à un peu de coca zéro dans le bouchon d'une bouteille minérale. Ce qu'il préféra nettement à l'eau que nous avions commencé à lui donner.

Le petit homme nous avait vu arriver et il hésitait à sortir de la maison. Cela devint un jeu où il nous invitait, son rire claquait comme une voile au vent, ses yeux pétillaient de joyeuse malice.

Combien fut belle notre visite à Alcantara. Nous venions de débarquer du catamaran qui nous avait amenés depuis Sao Luiz, par la baie de Sao Marcos. Nous étions encore un peu ivres de vent et d'embruns. Sous un soleil de plomb, nous avons commencé l’ascension de l'unique rue pavée et abrupte qui menait du petit port jusqu’à la place du village.

Sur le Rio Preguiças, en route vers Caburé, malgré le temps nuageux et quelques gouttes de pluie, nous avions accosté. Après avoir escaladé une dune, nous sommes revenus sous l’abri de bois d’une petite boutique « à tout ». Le temps de boire un coca zéro et d’observer les fillettes pieds dans le sable, dans les hamacs tendus entre deux poutres.

Tout à coup un bruit de moteur, une odeur de mazout et l'Amazone Queen s'est éloigné du ponton. Tout était calme, une brise soufflait qui nous faisait frissonner dans ce petit matin où nous allions vers l'Île aux perroquets. Belem apparaissait dans une légère lueur d'aube.
Sur le fleuve Amazone, l’Amazone Queen allait sur des chemins d'eau. Sur ses rives le monde "caboclo", population métisse qui vivait dans des villages sur pilotis. Ce matin là, les enfants attendaient sur les pontons le bateau de ramassage scolaire, qui les conduirait un peu plus loin dans leur école installée dans un coin de forêt. Je me suis retournée pour regarder le fleuve qui s’étirait vers l’horizon.

06/11/2008

UN AUTRE BRESIL - OCT 2008 - Amazone

Comme l’écrivait Jean Ferrat, il y aurait « une jeunesse à repasser », enfin ici ce ne serait pas la peine. C’était jour de lessive sur l’Amazone, chez les caboclo. Il y avait de la couleur étendue sur les fils et le temps passerait vite où il faudrait déjà lever le linge que la chaleur du jour aurait séché.
A bord de l’Amazone Queen, nous avons longé les rives fertiles du Guama et d’Acara, à travers le delta de l’Amazone, navigué sur les bras des rivières. Il faisait très chaud. La fillette était là, sourire timide, lorsque nous avons accosté sur un ponton où notre table avait été dressée.

Combien d’arrêts où Marcio, les pieds sur la passerelle, accroché au tronc d’un manguier ou d’un palmier acaï (pinot), s’appliquait à nous en cueillir les fruits ou les grappes, tandis qu’il nous demandait de bien maintenir le canot près de la rive pour qu’il ne s’en écarte pas. Alors, nous attrapions les branches, les longues palmes, enfin ce qui était à notre portée en attendant qu’il rétablisse son équilibre.

Il avait plu averse ce soir là, sur le delta de l'Amazone. Nous avions accosté sur ses rives dans un petit village où nous nous sommes abrités. Lorsque la pluie a diminué nous nous sommes approchés du jeune garçon. Penché au-dessus d'une corbeille, il épépinait les baies d'acaï ; puis il les trierait comme les lentilles de nos grands-mères. Et pour le dîner du soir, sa mère les ferait griller.

L'açaï, açaizera en portugais, sont de ravissantes petites baies dont l’apport est très important dans l'alimentation des habitants d'Amazonie, où sa consommation remonte aux temps pré-colombiens. Gouttelettes de pluie ou grosses larmes, il est facile de comprendre pourquoi les indiens l’appellent aussi « iça-çai », le fruit qui pleure. Ils vont les cueillir sur le palmier pinot auquel elles s’accrochent par grappes.

Sur le Rio Preguiças, nous nous dirigions vers Caburé à bord d’un canot à moteur. Longue route nautique et botanique. Ainsi d’une longue tige cueillie par le capitaine allait éclore entre les mains de Marcio, notre charmant et jeune guide, une fleur magnifique. Il suffisait de la faire rouler dans les deux paumes jointes.

Dans la main qui le tient avec précaution et l’expose à nos regards curieux, le crabe a resserré ses pinces. Notre capitaine, descendu de la légère embarcation bâchée de bleu qui glissait sur l’Amazone, a plongé son bras jusqu’au coude pour aller le débusquer dans la boue obscure et douteuse de la mangrove. Sur les rives du fleuve, il est interdit de ramasser les femelles, pour que l’espèce continue de se perpétuer.

04/11/2008

UN AUTRE BRESIL - OCTOBRE 2008

Nous nous dirigions vers la splendide Eglise de São Francisco de Assis, oeuvre de Antônio Francisco Lisboa, tout en arpentant les pavés de la petite ville. Assise sur un banc, elle remplissait dans leurs sachets de cellophane, les Brigadeiro, sorte de truffes au chocolat brésiliennes. J'aurais bien goûté à ces gourmandises dont l'odeur était venue taquiner mes narines.
Nous nous sommes arrêtés dans l'une de ces maisons coloniales, à la fois auberge, restaurant, petit musée, où l'on trouvait aussi quelques produits du cru, flacons mystérieux traversés de soleil. Et tout autour, après avoir descendu quelques marches de pierre, un jardin, une rocaille fleurie. L'ancienne caisse enregistreuse n'était plus qu'objet d'étonnement et de souvenirs.

Nichée au creux des montagnes, Ouro Preto était magnifique ce matin de notre découverte d’elle. Nous passions du soleil à l’ombre et je me souviens d’une clarté presque irréelle qui effleurait les maisons. Je regardais se dessiner les toits en une cascade de tuiles rondes.

Je sais cette église dans le Mina Gerais qui lance vers le ciel clochers, croix et tourelles. Ses murs sont percés de petites fenêtres rondes et grillagées, comme des regards discrets et bienveillants, ouverts à jamais sur l’âme de ses fidèles.

Dans le Minas Gerais, la petite ville d'Ouro Preto, née du siècle de l'or, à l'architecture baroque coloniale. Il est coutume de raconter que Tripui, un serviteur mulâtre qui étanchait sa soif à un ruisseau, ramassa en son lit quelques grains d’un étrange métal noir. Ceux-ci se révélèrent être de l’or. Ainsi fut fondée Ouro Preto en l’an 1711. Se serrait devant l'église aux formes rondes, le petit marché artisanal. On y vendait des objets sculptés dans la pierre à savon.
A mille deux cents mètres d’altitude, s’offrait à nos yeux, à notre admiration, la petite ville d’Ouro Preto, un véritable bijou. Elle frissonnait encore d’une lumière dorée. Le ciel était menaçant, mais quelques échancrures de bleu au-dessus de la colline nous firent croire que le jour serait beau, il le fut.