26/05/2009

EGYPTE INSOLITE ET INTIME

Autour de l'oasis d'Al-Bahariyah, régnaient la chaleur, le désert, et ce soir là nous sommes partis vers le soleil, vers son coucher en un lieu qui s’appelait « la maison anglaise ». Sur le point de disparaître, il noya une dernière fois ses rayons dans la pénombre douce et intime de l’échancrure rocheuse.

A l’heure où notre équipe chargeait les sacs sur les toits des 4x4, où nous allions traverser l’une des zones les plus arides du désert libyque pour atteindre à l’oasis d’Al-Bahariyah, cet homme là allait son chemin, presque d’un même pas que son âne qui tirait sa charge sans rechigner, cageots de tomates bien rouges, oranges sucrées… L’homme tenait lâche la bride de l’animal et tous les deux sont passés sans nous voir.

Pieds nus dans le sable du chemin, la petite fille curieuse regardait nos préparatifs de départ. Ses boucles de cheveux assagis et retenus par deux nattes aux rubans de velours, laissaient voir deux coquilles d’or à ses oreilles. Les mouches ne semblaient pas l’importuner outre mesure et pourtant j’aurais aimé les chasser de ce tendre visage.

Les enfants s’étaient regroupés autour d’une femme voilée de noir, à l’ombre bienfaisante des palmes recouvertes de la poussière du chemin. Ils se tenaient sagement sous le regard sombre qui seul filtrait du visage de la femme berbère.

Olives et dattes sont les deux principales ressources de Siwa, la ville nouvelle née au pied de Shali. Des lacs salés l'entourent offrant aux passants éblouis des paysages superbes. Le temps d’une halte, nous nous sommes assis à l'abri du soleil sur le tronc d'un arbre couché, sur quelques rares fauteuils de plastique, pour boire un petit verre de "carcadet", un café turc bouillant et pour Amir notre chauffeur le temps d’une" shisha" dont il partagea quelques bouffées.

Et me revint le souvenir de Bam en Iran, l'ancienne cité, étape essentielle pour les caravanes sur la Route de la Soie, cruellement disparue depuis notre passage.
A la frontière libyenne, Siwa l'authentique, l’antique Shali, ville forteresse. Oasis jalousement protégée par la population berbère qui l'habite et parle le "tsiwit". C'est ici qu'Alexandre le Grand vint à la recherche de l'oracle d'Amon, le "dieu-bêlier", qui devait lui confirmer son ascendance divine. Les maisons étaient construites en brique crue. Shali a résisté pendant des siècles, mais sous le choc dévastateur d’une pluie torrentielle, elle fut détruite en grande partie, au début du XXè siècle.

La veille, au soir de notre arrivée, nous avions découvert l’ombre impressionnante et déchiquetée de ses maisons. Ce matin là, notre première visite fut pour ce village de Shali, loin des rumeurs de la ville nouvelle. Les ruines se découpaient dans la pureté du ciel. Nous sommes montés en file indienne sous un soleil déjà chaud, dans les pas de la silhouette blanche qui semblait nous inviter à la suivre.

Nous avions traversé de longs plateaux désertiques, avions somnolé dans notre petit car, puis tout à coup, passé le dernier virage le sable, les roches. L’oasis était proche maintenant. Lorsque nous sommes arrivés, il faisait presque nuit à Siwah. Face au Shali lodge, construit autour des palmiers, havre plein de charme où nous passerions deux nuits, le petit âne attendait les clients, c’était le taxi de Siwah. Plus tard, après le dîner, nous sommes ressortis, il était toujours là.

25/05/2009

EGYPTE INSOLITE ET INTIME

Dans ce petit amphithéâtre romain, unique en Égypte, le site est toujours en fouilles, depuis plus de trente ans. Aujourd’hui, comme nous l'avait appris Soliman, ce sont des ouvriers polonais qui travaillaient sur ce site. Ils n’étaient pas trop de deux pour rouler ce lourd chapiteau, en évitant de s’écraser les orteils. Plus tard, je les retrouverais au repos assis à l'ombre d'un mur, où des palmes doucement brassaient un air tiède.

Il n’était pas insensé de commencer tôt nos visites à Alexandrie, la chaleur nous rattraperait bien sûr, mais nous avions pris de l’avance sur elle. Pour atteindre à l'auditorium romain de Kôm ed-Dik "colline du coq", construit sur un cimetière musulman, nous sommes descendus par le grand escalier et avons emprunté l'allée bordée de sphinx, d’obélisques, de colonnes, de fragments de statues colossales, sortis des eaux de la Méditerranée.
A l’époque des Ptolémées, on pouvait assister à des pièces de théâtre assis sur les douze gradins de marbre en forme de fer à cheval, entourés des colonnes de marbre vert d'Asie mineure et de granit rouge d'Assouan.

24/05/2009

EGYPTE INTIME ET INSOLITE

La renommée de la plus grande Mosquée d’Alexandrie, El Morsi Abou Abbas, passe par ses très beaux moucharabiehs, sombre dentelle sortie des mains habiles d’un ferronnier d’art. Masquée par eux, j’apercevais le linge qui séchait aux balcons des fenêtres de la ville. A l’image des femmes musulmanes, je pouvais voir et ne pas être vue.

A l’intérieur de la forteresse médiévale construite sur le modèle de défense arabe, les chemins de ronde donnaient vers le large. Mais les fenêtres grillagées des cellules n’avaient pas « vue sur la mer ». La seule consolation de ceux que l’on enfermait dans ces cachots plongés dans le silence, n’était-elle pas ces quelques moments de soleil qui les visitaient ?

La mosquée du fort, dont le minaret n’était pas visible de l’extérieur, et ses mosaïques étaient superbes. Un gardien s’approcha de moi et me demanda si je voulais qu’il me prenne en photo. J’ai accepté mais en compagnie de ce petit garçon, après avoir sollicité la permission de son père.

Le soleil entrait à flots par les deux ouvertures au fond du long couloir et venait éclairer l'enfilade des voûtes romanes. Les murs étaient épais qui protégeaient la forteresse, tournée vers la mer. Longtemps elle avait été la gardienne du port d'Alexandrie.

Le fort Qaït Bay, saisi par mon objectif à travers la vitre de notre bus, fut construit à la demande du sultan mamelouk Qaït Bay, et repose à la pointe de l'île de Pharos sur les fondations du mythique phare d’Alexandrie, dont on récupéra de nombreuses pierres. Nous sommes entrés, Soliman nous avait laissés libres d’aller à travers les diverses salles. Tout autour des chemins de ronde, de jeunes égyptiens bavardaient en confidence, se promenaient. Je surpris même quelques jeunes gens à danser.

EGYPTE INSOLITE ET INTIME

Dans le port d’Alexandrie, principal port d'Égypte, assis sur les gros blocs de pierres plates de la jetée, encore appelée « l'heptastade », les pêcheurs tentaient d’attraper le poisson. Au large les barques revenaient au port, parfois soucieuses, car il arrivait que la mer soit agitée et la côte redoutable.
Sur le site de Serapeum, entre les immeubles d’habitation, se dressait une colonne d'une trentaine de mètres, la colonne de Pompée, l’unique rescapée sur les 400 que comportait le temple dédié à Apis. Par jeu, nous avions tenté d’évaluer, avant de la connaître, la hauteur de cette colonne de granit rouge d’Assouan. De chaque côté deux sphinx furent découverts au début du XXè s, également en granit, mais rose. C’était une curieuse vision que ces vestiges cernés par la brique et le béton, presque couronnés par les antennes paraboliques.

Au Musée d’Alexandrie, dans la salle obscure se tenaient les sarcophages et leurs momies. A l’entrée à peine éclairé, veillait le dieu Anubis, le Dieu chacal, « seigneur des nécropoles », Dieu de la Mort, celui qui avait embaumé Osiris et présidait à la momification.

Depuis des années le visage de ce pharaon rencontré au Musée du Louvre m’a toujours fascinée. Ainsi, je lui rendais visite chez lui, dans ce Musée d’Alexandrie où son buste m’apparut tout à coup dans une pénombre voulue.
Amenophis IV prit le nom d’Akhenaton « celui qui sert Aton», le Dieu Soleil. Très jeune, il épousa la belle Nefertiti « la belle est venue », peut-être sa cousine, qui devint ainsi la Grande Epouse Royale. Durant leur règne, l'Égypte va connaître une période de bouleversements et l’une des expériences religieuses les plus fortes. Les égyptiens étaient en pleine crise, ils n'arrivaient plus à gérer leur immense monde divin. Ils se tournèrent vers leurs très anciens cultes solaires. Mais Akhenaton porta plus loin sa pensée et imposa le culte unique de son dieu Aton, sans laisser pourtant aucun texte sacré de "son enseignement" à ses fidèles.
Si d’aucuns considérèrent Akhenaton comme un génie parvenu à broyer la carapace millénaire des habitudes, des superstitions, il fut pour d’autres un tyran, un despote. Sa première ébauche de monothéisme s'accompagna des premières persécutions de l'histoire de l'Égypte. Akhenaton, considéré comme un Pharaon hérétique subira la vindicte de ses successeurs. La civilisation égyptienne ancienne survivra 18 siècles après Akhenaton. Ces demi dieux laisseront des traces tangibles sur terre avant de rejoindre le ciel et le soleil dans sa course divine.

Cet autobus ne venait-il pas de me faire un clin d’œil derrière son pare-brise qui aurait bien mérité un bon coup d’éponge ? Son museau de métal rebondi était prêt à fendre la circulation bruyante d’Alexandrie, dans la chaleur qui s’intensifiait, en enfreignant toutes les règles de la circulation à commencer par les feux tricolores. Soliman nous raconterait plus tard qu'ils n'étaient là que pour le décorum.

EGYPTE INSOLITE ET INTIME

Notre hôtel « avec vue » ouvrait ses chambres, ses terrasses, sur la magnifique baie d’Alexandrie, où ce matin là se levait un soleil qui deviendrait brûlant. Soliman, notre guide, nous avait nommés dès notre arrivée, « le groupe soleil ». Nous étions douze prêts à le suivre, à l’écouter, à nous immerger avec lui dans la magie égyptienne.
Les mers qui entourent la ville d’Alexandrie, vieille de plus de 2 000 ans, ont été le théâtre d’un grand nombre d’événements historiques majeurs. La baie d’Alexandrie renferme encore les vestiges du célèbre phare, l’une des sept merveilles du monde, ainsi que les ruines du palais de Ptolémée.
Un fascinant projet aux allures « pharaoniques » a vu le jour. Construire dans la baie, à côté de la grande bibliothèque, par 7 mètres de profondeur, un musée amphibie de l'archéologie. Il sera l’œuvre d’un
architecte français, "Jacques Rougerie", une bulle de verre sans bouteilles ni palmes ! Des instants au-delà du réel.

Comme le phénix qui renaît de ses cendres, la nouvelle bibliothèque d'Alexandrie, fenêtre ouverte sur le monde, accessible sur Internet, s’enorgueillit de près de 100 000 manuscrits. Comme le dit avec bonheur le "Dr. Mohsen Zahlan", chef du projet, c’est un «phare du savoir ». Elle offre un foyer intellectuel à 3000 lecteurs, étudiants, chercheurs… au sein d’une architecture des plus modernes. J’ai levé la tête vers cette construction, telle une étrave fendant les eaux. Toujours plus loin, toujours plus haut, ainsi devait être portée la connaissance.

A l'extérieur, sur un mur de granit posé sur un bassin d'eau, ont été gravées toutes les écritures du monde. Afin de mieux apprécier la splendeur de cet édifice, nous avons traversé de l’autre côté de la large avenue qui le sépare de la baie.

De l’autre côté de la grande place, suspendue au-dessus d’une fosse en forme de cube, le planétarium offre sa Géode de 18 m de diamètre. Une grosse boule noire striée de huit bandes parallèles, espacées par des rubans d'acier blanc et poli. Je me suis approchée pour tenter de comprendre comment cette boule immense pouvait bien tenir ainsi, comme prête à s’envoler. Elle reposait, aérienne, comme dans un berceau, appuyée sur ses quatre côtés.

Nos visites à Alexandrie s’enchaînaient. Dans le petit bus, des bouteilles d’eau circulaient, le coca viendrait après. Notre chauffeur s’était garé un court moment, le temps de nos laisser descendre devant la Nouvelle Bibliothèque d’Alexandrie. Un édifice original, comme un damier de verre et de métal mêlés, au toit légèrement incliné à l’image d’un disque solaire. Elle est l’œuvre d’un cabinet d’architectes norvégiens Snohetta.
C’est vers 290 av. J.C. que Ptolémée Ier Soter décide de la création, vers 290 av. J.-C., d'une bibliothèque universelle. Pour ce faire Il envoie des émissaires acheter des manuscrits aux rois, aux nobles, aux villes, mais il lui arrive aussi de rançonner des navires pour s'approprier les livres qu'ils transportent. Elle sera détruite une première fois par un incendie déclenché par Jules César.