A peine 7h du matin et déjà la savane se chargeait d'ondes de chaleur naissantes. Comme le jeune garçon, une vieille femme avait marché jusqu'à nous, elle s'aidait de son bâton. Il y avait de la dignité dans son attitude. J'entendais comme un message "vous qui êtes venus de loin, vous ne faites que passer, mais moi ma vie est ici !". Au loin une minuscule silhouette, celle d'un homme silencieux qui comme moi observait l'aïeule, habitée d'une certitude intérieure.
Notre dernier bivouac dans les steppes de la Butana, près de Naga. Au matin nous avons rangé le camp. Un jeune garçon s'était approché, puis s'était accroupi après avoir replié sa longue chemise blanche sous lui. Silhouette fondue dans les chaudes teintes de la savane.
Nous faisions route vers Naga, jusque là nous n'avions pas eu d'incident à déplorer. Il faisait très chaud. Le 4x4 n°2 aux mains d'un chauffeur pourtant expérimenté, stoppa tout à coup. Il venait de s'enliser. Tous les hommes se portèrent à son secours. L'entreprise les mobilisa un long moment. Un mauvais pas que notre chauffeur, Mohamed, moins apprécié pourtant par les trois autres, ne nous ferait pas vivre. Il maniait son volant avec compétence et contrôle, nous faisait franchir les endroits les plus délicats.
Mussawarat es Sofra (1er siècle de notre ère) est l'un des sites les plus impressionnants du Soudan situé sur la rive orientale du Nil. Deux temples regardent le temps passer tout en essayant de s'en protéger. Celui dit de "l'Éléphant" (La Grande Enceinte) et celui du Dieu Lion " Apédémak" (la Petite Enceinte). Mussawwarat fut un lieu de pèlerinage et il semblerait qu'il aurait abrité un enclos d'animaux sauvages destinés aux chasses royales.
Nous avions roulé en file indienne sur une longue route goudronnée. Nos trois véhicules avec leurs voyageurs et notre "ravitailleur" étaient arrivés devant ce sanctuaire, l'un des plus élaborés du royaume. Nous sommes descendus et avons pénétré à l'intérieur. Il faisait si chaud que nos visages étaient luisants de sueur. Au fond du temple deux gravures d'éléphants et des vaches. Le responsable des archéologues était sur place, accompagné d'une jeune femme coiffée d'un chapeau à larges bords. Entre les deux pylônes soudain s'est inscrite la tête magnifique de cet homme, le gardien du site. Avoir saisi cet instant me comblait de plaisir.
Nous avons longtemps tourné pour trouver la maison nubienne qui devait nous accueillir pour le repas de l'Aïd, délicieux et copieux. Nous avons fini par la trouver, nous avons si bien été traités qu'il nous fallut une petite heure de sieste. Après avoir salué nos hôtes nous pensions reprendre notre chemin, mais nous nous trompions. Nous étions dans le village du Président Omar El Béchir et nous étions attendus dans sa maison familiale. Après avoir salué la présidente dans les appartements des femmes, au bout d'un dédale de petits couloirs à ciel ouvert, partagé un "Seven up" dans des verres remplis de glaçons que discrètement je fis disparaître, ce fut la photo "officielle" sur le perron, sans le président en pèlerinage à La Mecque, mais avec les hommes de la famille.
Sur la route de Mussawwarat, un village presque mort jonché de détritus, des jeunes gens maraudaient, un garçon albinos déambulait avec son bâton. C'était pourtant ici que nous devions nous arrêter pour le déjeuner. Drôle de sensation que ces maisons muettes, ces échoppes aux volets clos.
Dans le désert de Méroé où nous venions de passer la nuit, se réveillaient les hommes, les animaux, la nature. Présences soudaines malgré le petit matin, ils étaient là tournaient autour du camp, en un rendez-vous inattendu et éphémère.
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