18/12/2010

SOUDAN - Royaumes de Nubie - Sur l'Île de Saï



Derrière les murs de notre maison nubienne, le séjour avait été léger, joyeux, éclaboussé de rire. A la place d'une histoire pour s'endormir, Azzem nous avait fait goûter quelques gorgées d'un alcool de dattes "maison". La lune comme pour nous inciter à l'imiter s'était presque couchée à l'horizon. Tout un enchantement derrière ce portail ouvragé. Nous allions en rencontrer, tous différents, à chaque étape de chaque soir.

Pour peu que l'on y soit sensible la magie avait opéré. Le couchant avait enflammé l'horizon devant lequel nous nous tenions. Dans son sillage une longue traînée orange où pointaient quelques dômes, avant de se fondre dans la nuit.

Saï "un ventre de pierres" s'est déployée autour d'une montagne de grès, le Djebel Adou, dans une contrée aride des plus inhospitalières, formée de gorges étroites. Et pourtant, lorsque nous sommes partis vers le Djebel Adou, tandis que le soleil glissait lentement vers l'horizon, nous savions que cette île n'avait pas encore dévoilé toute son histoire et conservait pour elle certains de ses mystères.


L'île de Saï, l'antique Shaat, se situe entre la deuxième et la troisième cataracte. Le Djebel Adou domine cette île, l'une des plus vastes du Nil soudanais. Le sol y est aride, seule une zone de terre qui longe le fleuve, fertilisée par les limons permet à la population de semer et de vivre de sa récolte. Sans ce cadeau du Nil, Saï serait restée une terre stérile.

En fin d'après-midi nous sommes arrivés dans les ruines de la ville pharaonique. Elles se découpaient dans un ciel parfaitement pur. Elle était protégée par une enceinte de 4,30 m d'épaisseur. Tour à tour les égyptiens, les rois de Napata, puis les Ottomans furent conscients de sa position stratégique. Ils s'y installèrent, construisirent, guerroyèrent puis la quittèrent.

16/12/2010

SOUDAN - Royaumes de Nubie - Île de Sai

Les maisons qui jalonnent les rives du Nil arborent de bien étranges trophées au-dessus de leurs portes d'entrée. Mais, disposées ainsi les mâchoires n'avaient plus aucun pouvoir, elles rappelaient juste que le maître de maison avait eu à en découdre avec ce "crocodilien" au corps massif. Pourtant lorsqu'il s'agit de séduire une belle, il se glisse dans l'eau et l'enlace avec autant de douceur que possible, lorsqu'on mesure plus de 7 m et pèse près d'une tonne.

Je ne pense pas qu'aucun d'entre nous n'ait eu l'envie de se baigner dans les eaux du Nil, d'autant qu'après avoir lu ce panneau fort explicite, apposé sur les bâtiments de la mission, nous avons préféré laisser la place aux crocodiles. Nous ne nous sommes pas sentis attirés par ces féroces carnivores, habiles à se dissimuler pour atteindre leurs proies de leurs puissantes mâchoires.

Sur l'île de Saï une mission française s'est installée sur les rives du Nil où fleurissait un timide bougainvillier. Tout en écoutant Lotfy, je regardais les ruines d'un temple qui se découpaient dans un ciel impeccablement bleu.

Un vieil homme assistait à la descente des 4x4, son sourire avait quelque chose de tout à la fois timide et bienveillant. Il était là en un mystérieux rendez-vous. Nous l'avons quitté pour traverser une région désertique, pas de végétation, petites collines rocailleuses. Je me suis endormie dans le bourdonnement des conversations qui m'entouraient à l'intérieur de l'habitacle du 4x4.

Pour traverser le Nil, les locaux utilisent un ponton. Suivant leurs gabarits les véhicules devaient passer en deux fois. Nous venions de débarquer sur l'Île de Saï, l'antique Shaat, porte de la Nubie profonde, l'une des îles les plus vastes du Nil soudanais, nichée entre la deuxième et la troisième cataracte.

15/12/2010

SOUDAN - Royaumes de Nubie - Wadi Halfa

Sous un soleil aussi éclatant les murs de la terrasse de cet établissement ne pouvaient passer inaperçus. A notre arrivée la veille, au sortir du ferry, combien furent bien venus et alléchants thé, café, coca et autres petits gâteaux. Les assiettes étaient vides qui nous avaient été offertes.

Hep taxi ! Mais pour aller où ? Pourtant j'aurais bien fait un petit tour en un si fastueux équipage.

L'attente fut longue qui nous permit de flâner, de nous asseoir à une terrasse, toujours l'administration, les tampons sur les visas, les passeports, laisser le temps aux autorités de tout recopier à la main. Trois heures se sont écoulées, mais sans que notre patience en fut entamée. YaYa notre cuisinier était parti faire ses emplettes, remplir son 4x4 qu'il me plut de nommer "le ravitailleur".

Wadi Halfa, petite ville qui fut déplacée sept fois, chassée par la montée des eaux du Lac Nasser. Nous avons eu du temps pour la regarder vivre, un troupeau de chèvres allait placidement là où leurs bergers les menaient, où elles trouveraient un peu d'herbe sèche, quelques épineux.

Dans tous les petits villages ou gros bourgs que nous traverserions, nous allions rencontrer ces petits commerces tenus par des femmes, installées dans leurs pliants, entourées de tout un matériel disparate mais avéré nécessaire. Elles proposaient du thé ou du café. Il était possible de s'asseoir un moment sur des bancs brinquebalants. J'imagine que chaque emplacement était parfaitement attribué et gare à celle qui tenterait de s'en emparer.

C'est à Wadi Halfa que nous avons goûté à l'hospitalité de notre première maison nubienne. C'est là que nous avons fêté un anniversaire, 40 ans. Mais je ne dévoilerai ici aucun secret, je ne dirai pas lequel d'entre nous souffla l'unique bougie et nous offrit deux grandes assiettes de pâtisserie orientales et une remplie de dattes savoureuses.

ASSOUAN - Embarquement pour le Soudan

Pour avoir la permission de faire cette traversée à bord du ferry sur le Lac Nasser, y dormir, profiter des paysages, assister aux manœuvres, chacun fut prié de ne pas égarer son billet, ses coupons d'accès à l'espace de restauration !!

Enfin, après avoir croisé le site d'Abou Simbel, nous arrivions au port, nous étions au Soudan. Le ferry avait accosté au port de Wadi Halfa. En descendre fut à peu près aussi périlleux que pour y monter. Même agitation, même précipitation et pour ajouter un peu de piment, nous resterions encore à attendre que notre "gentil organisateur" règle un problème de passeport avec les gradés. Pas question de le laisser derrière nous !

Dans notre cabine, "disposés avec art" sur le bloc de la ventilation (qui ne ventilait pas !) nos repas. Ils devraient nous nourrir jusqu'au lendemain au débarquement, petits-déjeuners compris. Cela peut vous paraître frugal, hétéroclite, mais nous avons réussi à emplir nos estomacs. Certes les petits pains avaient durci, l'eau n'était plus fraîche, les bananes avaient noirci... mais ce n'était pas ce qui allait nous rendre moroses ou atteindre notre moral. Nous étions au début de notre aventure.

Le capitaine, accoudé au bastingage, surveillait les manœuvres et donnait de la voix. Plus tard il appellerait les fidèles à la prière, à la proue du bateau. Les hommes s'y retrouveraient corps et visages orientés vers La Mecque.

Nous ne savions pas qu'après être montés à bord du ferry en plein jour, nous verrions le soleil se coucher peu à peu sur le port, sur cette activité ininterrompue, ces tentatives pour chacun de ceux que nous regardions encore se débattre sur le quai, hommes, femmes, enfants, chargés de leurs bagages, à se hisser à bord.

SOUDAN - Royaumes de Nubie - Pharaons Noirs

Le Soudan, la Nubie, les Pharaons noirs, comment ne pas rêver juste en prononçant ces mots ? C'est une destination magique dont l'histoire est à "fleur de peau". Peu, voire pas de tourisme. Notre guide égyptologue, Lotfy, n'avait pas eu de travail depuis plus de 4 ans. Pas de structure d'accueil. Mais les maisons nubiennes nous ont ouvert leurs portails en grand, nous ont accueillis aux étapes. Des plus simples mais nous y étions à l'aise. Mais tout d'abord jamais nous n'oublierons cette descente du Lac Nasser à bord d'un ferry qu'emprunte la population locale. Nous étions en période de l'Aïd et des familles entières rejoignaient leurs villages. Une immersion au plein cœur des ballots, des bousculades, des cris des enfants. La coursive des femmes constamment encombrée par leur embonpoint, le transvasement de leurs paquets... Vingt et une heure de traversée et 5h d'attente avant que le ferry ne s'éloigne du quai. Nous connaissons cela, depuis longtemps nous avons appris à vivre l'Afrique, capter sa lumière, puiser un peu de sagesse dans les regards des femmes aux hanches généreuses, attendre, laisser venir les choses à soi. Et ceux qui ne peuvent pas le supporter n'ont pas leur place dans cette Afrique, au cœur de ses sortilèges, ses secrets, ses corps, ses âmes torturés, ses détresses.