03/11/2009

RETOUR EN EGYPTE INSOLITE ET INTIME

Sur un fond de fougères arborescentes dévorées de soleil, la blancheur de sa tenue était intense et me faisait cligner des yeux. Il s'était arrêté pour nous regarder passer. J'ai aimé le visage de cet homme, son sourire sur ses dents impeccablement alignées. Entre lui et nous, une invitation à faire naître un même attrait au cœur d'une rencontre.

Dans sa longue gandoura, le visage illuminé d'un sourire, le plus grand tenait le plus jeune par la main. Le petit avait peur, il pleurait. Il se serait bien échappé pour aller se cacher, mais la main le retenait.

Il y avait dans l'attitude de ces deux fillettes comme un parfum d'enfance, un mélange de timidité et de malice. Tandis que je m'approchais d'elles, il me sembla qu'elles se protégeaient l'une l'autre.

A force d'avoir été tournées et retournées, les pages du cahier , qui regorgeaient de modèles de tatouages, étaient devenues si minces qu'on aurait pu croire à des feuilles de parchemin. Il y avait là tant de merveilles qu'il nous fut difficile de choisir.

Dans le village d'El Ramady, nous fûmes invités à pénétrer dans une maison pour prendre le thé. Tandis que les femmes préparaient le plateau, les tasses, un homme apporta un cahier. Ces dames étaient-elles prêtes pour un tatouage au henné ? Pas sûr, enfin pas dans l'immédiat. Il y eut un long temps de réflexion. J'étais curieuse et intéressée, je suis passée la première dans les mains de notre artiste. Il fallait encore plusieurs opérations pour que le tatouage apparaisse dans toute sa splendeur. Séchage, grattage avec l'ongle, passage sous l'eau et enfin à l'aide d'un coton imbibé d'eau oxygénée voir revenir ce tatouage que j'avais cru perdu. Lorsque l'œuvre fut achevée, une guirlande de fleurs encerclait mon poignet, nous étions presque amies.

RETOUR EN EGYPTE INSOLITE ET INTIME

Dans la chambre des femmes au bout d'un couloir, je l'observais penchée sur les bras qui défilaient chacun leur tour, où de sa main habile elle traçait le dessin. A force de concentration je la sentais s'épuiser au fil de temps qui s 'écoulait, je voyais les gouttes de sueur perler à son front. Dans la maison fraîche, les autres femmes avec les enfant nous avaient rejointes. C'était émouvant de nous mêler à leur monde. Soliman me persuada que pour elles il en fut tout autant.

Soliman nous avait conduits dans une maison où quatre familles vivaient ensemble, de façon plus aisée, nous sembla-t-il, que celles que nous avions pu croiser dans le village. Sans doute parce qu'elles recevaient les voyageurs, leurs servaient le thé, proposaient aux femmes des tatouages au henné. Gracieuse était la toute petite fille, aux joues rebondies, aux boucles serrées, dans les bras de sa mère.

Le village d'El Ramady était vaste et situé sur une Île du même nom, niché dans des plantations de cannes à sucre et de bananiers. Ses maisons attiraient l'attention par leurs couleurs vives, par les inscriptions peintes sur les murs. Ici, curieusement, la pertinence des couleurs ne heurtait pas notre sens de l'esthétique. Les portes à doubles battants étaient encore closes. Derrière les murs épais, parfois un peu de guingois des maisons, leurs occupants se reposaient encore.

Ce matin là nous nous étions levés tôt. Descendus de La Jasmine, c'est par un chemin de terre que nous avons tout d'abord longé une forêt odorante de bananiers aux feuilles vernissées. La fleur délicate était gracieusement suspendue, comme un lampion, à l'extrémité du régime de bananes encore vertes.

Tout était tranquille, accoudés au bastingage nous assistions au paisible coucher du soleil. L'ombre s'élargissait en flaques à la surface de l'eau et, se reflétaient les sombres silhouettes des arbres qui la faisaient frissonner.

RETOUR EN EGYPTE INSOLITE ET INTIME

Sur le pont de la Jasmine, derrière son comptoir, le garçon avait préparé des crêpes. Et pour nous qui revenions assommés de chaleur, ce fut un réel plaisir de nous installer à l'ombre des toiles tendues. Les coupelles étaient remplies de chocolat, de noix de coco, les assiettes de petits gâteaux "faits maison", les crêpes sautaient à la demande, les verres se remplissaient de carcadet froid (infusion de fleurs d'hibiscus), de thé...

Située sur la rive ouest du Nil, au sud de Louxor, Edfou doit son renom au temple de Béhedet, dédié à Horus. Elle s'appela d'abord Djebaou "la ville du flotteur" puis Atbô en copte. Située dans une région riche en blé, elle se trouvait au carrefour des pistes caravanières qui venaient du désert et des mines d'or de Nubie. Devant le gigantesque portail se tenait une statue de granit noir peu amène d'Horus, coiffé de la couronne de Haute et Basse Egypte. Horus "Le Lointain" symbolisa le ciel avant d'être identifié au soleil. Et sur cette place immense, rangés côté ombre, nous avons écouté Soliman. Mais il fallut bien traverser cette chape de chaleur, plus de 40°.

Ici était la demeure d'Horus, le Dieu Faucon et de son épouse Hator. La première pierre fut posée en l'an 237 avant JC. et le temple achevé en l'an 57 avant JC. Mais, enfoui sous le sable jusqu'au milieu du XIXe s, "seul le sommet des pylônes du temple était visible. Sur la terrasse il n'y avait que des huttes agglutinées, leurs occupants, des volailles, des chiens..."

Sur les marches une femme était occupée à sa lessive. C'était incontestable, chaque instant de la vie du Nil était une image qui se gravait, simple et belle, une pause silencieuse.

Nous remontions à bord après notre balade du matin. La journée était loin d'être terminée pour notre plus grand plaisir. mais après le déjeuner, il nous faudrait attendre que l'ardeur du soleil s'apaise ou, dans le cas diamétralement opposé, nous repartirions sans différer. Ainsi éviterions nous toute affluence.

RETOUR EN EGYPTE INSOLITE ET INTIME

Dans un champ à la lisière de quelques palmiers, un tracteur resplendissait de ses couleurs et faisait l'admiration des enfants qui l'entouraient, pas plus hauts que les grosses roues. Sans doute avait-il été loué pour le village entier. L'affaire semblait d'importance, l'engin finirait-il par démarrer pour le labour ? Ses lames creuseraient-elles la terre en la soulevant de chaque côté des sillons ?

Nous avions quitté le village et avancions sur un chemin inégal. De jeunes garçons nous proposèrent la monture de leurs ânes. Mais ils étaient si efflanqués, comment aurions nous pu les charger de nos poids ! Nous avons décliné leur offre, ce qui n'eut pas l'heur de plaire à celui qui semblait leur chef. Il se retourna sur nous avec dépit.

Sur les murs des tombeaux, les bas-reliefs racontaient la vie des familles de nobles et de notables de la ville. Scènes du quotidien, merveilleusement bien conservées. Je me souviens avoir entendu une voix derrière moi prononcer quelques mots à voix basse "j'aime ces scènes du quotidien, c'est émouvant."

Il était "inspecteur des champs de blé" et s'appelait Pahéri. Il surveillait les travaux liés aux saisons, mais il occupait aussi un poste de précepteur auprès du fils d'un roi, qu'il tient ici sur ses genoux. Derrière lui les vendanges, un banquet se prépare. C'est à la saison de "Akhet" ou inondation, qu'avaient lieux les banquets, car il n'était pas possible de s'occuper d'agriculture pendant les inondations.

Pour arriver jusqu'aux tombeaux rupestres d'El Kaab, "les hypogées", creusés à flanc de montagnes, nous avons marché une bonne demie heure. El Kaab est le nom arabe de la ville antique de Nekheb, à la gloire de la déesse Nekhbet et se situe entre le Nil et le désert, au sud de Thèbes, sur la rive droite du fleuve. C'était un lieu de passage pour l'or que l'on exploitait à l'est et au sud.

RETOUR EN EGYPTE INSOLITE ET INTIME

Nous naviguions vers Djebel Silsileh, puis nous accosterions pour la nuit à Maniha. Il s'était approché de La Jasmine, son filet encore sec rangé à l'avant de la barque. Il partait pêcher. Il me sembla que ses rames étaient immenses pour que ses bras puissent les manœuvrer. Mais son énergie, son courage, l'aideraient à prendre le large, le produit de sa pêche était attendu, espéré.

Après avoir longé l'imposante enceinte de brique crue qui cernait El Kaab, nous avons enjambé les rails d'un chemin de fer et poursuivi notre marche à travers buissons épineux, pierres et poussière, jusqu'au grand escalier qui menait aux tombeaux.

Je fus la dernière à regagner la place du village, je m'étais attardée. Je venais de voir sortir d'une maison, qui avait dû avoir ses heures de gloire, un homme pressé. Il fut immédiatement suivi par deux gamins dont l'un, en bondissant, faillit bien rater son virage et se retrouver le nez dans la poussière et la paille du chemin.

Était-ce leur maison ou juste un endroit ou ils exerçaient un petit commerce de briques crues ? Le déséquilibre du chambranle de la porte était flagrant. Il encadrait pourtant dignement des murs inégaux et épais, au crépi effrité. Ils nous ont regardé passer et nous éloigner, fugace rencontre entre deux mondes.

Hommes et animaux se partageaient l'espace sur le fleuve. Tout près des maisons de pierres, stricts cubes percés de fenêtres, de minuscules étables étaient accotées. Et montait aux narines des hommes l'odeur aigre du fourrage humide. La paille jonchait le sol en couche épaisse et il n'y avait qu'un pas pour qu'ils puissent étancher leur soif.

RETOUR EN EGYPTE INSOLITE ET INTIME

Cette même scène toujours recommencée du pêcheur les yeux rivés à la surface de l'eau. Rien ne pouvait le distraire de cette attente absorbée, pas même son reflet qui s'y reflétait. Il y avait longtemps qu'il ne devait plus s'en préoccuper ni le remarquer.

J'ai savouré ces instants paisibles où nous traversions ce village à l'heure où il se réveillait. j'ai senti la chaleur naissante qui frôlait les murs aux minuscules fenêtres, imaginé les rayons de soleil qui allaient bientôt tenter de les imprégner. Se lever tôt n'était pas un problème lorsque le petit matin se révélait plein de promesses.

Notre dahabieh glissait doucement sur les eaux du Nil dont la légende raconte qu'il fut engendré par les larmes d'Isis. Il était encore tôt et un soleil pâle en effleurait la surface. Palmiers et hautes herbes se penchaient doucement pour s'y mirer.

Le ciel s'était couvert dangereusement et la nuit nous surprit dans l'attente impatiente du passage de la 1ère écluse à Esna. Jusque là, tirés par notre petit bateau-pilote, celui-ci nous quitta pour nous laisser entrer dans l'étroit passage. Au plus bas, entre les deux quais, "La Jasmine" remonta lentement pour atteindre au niveau du fleuve. La manœuvre fut accomplie avec brio par un équipage qui n'en était pas à son premier passage.

L'homme et l'enfant demeuraient immobiles sur le fleuve. Ils avaient lancé leur filet, ne conservant que la pierre par laquelle il était maintenu. Accroupi à la pointe de la barque, le père surveillait l'onde. Au moindre frémissement il le relèverait en un mouvement net et précis.

02/09/2009

DES NOUVELLES DE SEPTEMBRE - Le Katharina

Je vous présente le Katharina, un voilier traditionnel indonésien en bois, aux allures de galion,
long de 33 mètres.
Ces bateaux sont ici appelés des "Phinisi".
Ils sont construits dans l'Île de Sulawesi par le peuple de la mer, les "Bugis". Ce sont des bateaux marchands ou des bateaux de croisière.
Il va nous conduire en ces prochains jours de septembre, dans les Îles oubliées de l'Indonésie, les petites Îles de la Sonde. Florès, Lombok, Sumbawa, Komodo... à travers de saisissants paysages dans lesquels se côtoient des volcans actifs, les mers émeraude, les lacs de cratères, les forêts de bambous, la jungle et la savane, ainsi que la flore et la faunes préservées et magnifiques.
Se laisser glisser le long des côtes bordées de sable blanc, rouge ou bleu, à la découverte des fonds marins. Approcher les "dragons" de Komodo, varans géants sortis tout droit d'un autre temps. Découvrir des îles où certaines cultures tribales sont encore terriblement vivaces.
Se laisser vivre enfin et profiter d'une apaisante quiétude ensoleillée, ressentir des émotions devant les fastes et les triomphes de la nature.


Rio de Janeiro - Favela de Rocinha - octobre 2008
Près d'une année déjà où j'achetais à l'entrée de Rocinha,
cette toile minuscule mais si vivante, si réaliste, si colorée, à une artiste anonyme,
u
ne femme de la Favela.
Avec elle et son souvenir mon propos est de vous annoncer que dans la semaine du 14 septembre, sans doute le mercredi 16, vous pourrez vous rendre à l'adresse,
http://www.geo.fr/voyages,
pour y retrouver une sélection de mon album sur le Brésil. La rédaction de Géo magazine me fera ce grand plaisir de le mettre à "La Une" dans sa rubrique "Voyages de Rêve". Ceci pour un jour seulement, mais ensuite vous pourrez le retrouver quelques temps encore en ligne, parmi ceux qui furent choisis avant moi.
Merci de votre visite.